« L’accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n’est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C’est un droit qui doit pouvoir s’exercer de façon permanente et immédiate dans le temps » déclarait le 26 juin 2008 le ministre de l’éducation nationale au Sénat lors de l’examen du projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire.
L’heure est à la reconnaissance de nouveaux droits : après le droit au logement opposable (en 2007) et avant le droit opposable à la garde d'enfants (en 2009), voici le droit d'accueil pour les élèves des écoles publiques.
Qu’on se le dise : l’école publique n’est donc pas seulement un lieu d’enseignement, c’est aussi un lieu d’accueil (tout au moins pour les écoles maternelles et élémentaires publiques car les collèges et lycées ne sont pas concernés). Le Parlement vient de consacrer une nouvelle union : celle du droit à l’éducation et du droit d’accueil. Et d’insérer le droit d’accueil au sein du Livre Ier du code de l’éducation relatif aux principes généraux de l’éducation aux côtés de l’obligation et la gratuité scolaires. Le symbole est fort.
Une expérimentation était en cours depuis février dernier mais n’avait pas rencontré le succès escompté (elle n'avait concerné que 2.000 communes). Il a donc été décidé d’en passer par la loi. En urgence.
Le nouveau principe général d’accueil, qui ne saurait être assimilé à un service d’éducation minimum contrairement à ce qui est dit couramment, ne vaut pas qu’en cas de grève mais l’obligation d’accueil ne pèse sur les communes qu’en cas de grève (dans les autres cas, c’est l’éducation nationale qui devra se charger du service d’accueil).
Il n’y en a pas moins une nouvelle charge pour les municipalités, d’où l’idée que le gouvernement contreviendrait au principe constitutionnel de libre administration (V. article 72 de la Constitution aux termes duquel « les collectivités territoriales […] s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ») qui impose à l’État de prévoir des compensations financières lorsqu’il crée une charge nouvelle pour les communes (V. Affaire n° 2008-569 DC en instance). Une compensation est toutefois prévue dans le texte qui en détermine les modalités de calcul et renvoie à un décret la fixation du montant (art. 9).
L'organisation de l'accueil des élèves reste, pour les maires, la question la plus délicate.
Cet accueil ne sera obligatoire que si plus de 25% des enseignants est en grève. Le pourcentage n’est pas fixé au hasard : la plupart des écoles ont 5 classes en milieu rural (V. tableau ci-dessous) ; la grève d’un seul enseignant ne suffira donc pas pour que la commune concernée soit obligée d’organiser l’accueil. Accueil qui pourra être mis en œuvre soit dans l’école soit dans un centre de loisirs.
Mais comment fera le maire pour remplir ses obligations si les fonctionnaires territoriaux sont en grève ? Le personnel communal relève de l'autorité du maire et non de l'Etat. Est-il vraiment interchangeable ? Le texte élargit le cercle des personnes pouvant assurer ce service afin de créer un « vivier » d’intervenants permettant de préparer l’accueil. On pourrait même penser à l’intérim auquel il sera possible de recourir une fois la loi sur la mobilité des fonctionnaires adoptée. En tout cas, rien ne garantit que ce service sera dispensé par des enseignants. Ni même par un étudiant titulaire d'un Bafa (brevet d'aptitude au monitorat).
Enfin, il faut aborder la question de la responsabilité des élus locaux, point essentiel pour les intéressés. Elle est double et ne pose pas les mêmes problèmes selon qu’il s’agit de son volet administratif ou pénal.
A la demande des associations d’élus, l’État a décidé d’assurer la responsabilité administrative de droit commun. En revanche est exclue toute possibilité d’exonération par avance de la responsabilité pénale du maire, d’une part parce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas d’exonérer, a priori, une personne de sa responsabilité pénale, et d’autre part que la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000, qui a précisé les conditions d’engagement de la responsabilité pénale du maire, sera applicable dans ce cas de figure.
Le Parlement a emprunté la seule voie possible : l’Etat se substituera à la commune en matière de protection juridique du maire en cas de poursuites pénales.
Cela suffira-t-il à lever tous les doutes des maires et à transformer les communes en véritables partenaires de l’Etat ? Surtout, quel rôle sera dévolu aux directeurs d’école dont on ne parle guère mais qui seront aux premières loges de la réforme ?
Jean-David Dreyfus
Professeur à la faculté de droit de Reims
NOMBRE D’ÉCOLES PUBLIQUES SELON LE NOMBRE DE CLASSES EN 2006-2007
(France métropolitaine et départements d’outre-mer)
Nombre de |
Écoles maternelles |
Écoles élémentaires et spécialisées |
Total |
Proportion |
1 |
1 379 |
4 303 |
5 682 |
11 % |
2 |
2 350 |
4 651 |
7 001 |
14 % |
3 |
4 075 |
3 783 |
7 858 |
16 % |
4 |
3 564 |
3 179 |
6 743 |
13 % |
5 |
2 685 |
3 740 |
6 425 |
13 % |
6 à 10 |
3 077 |
10 170 |
13 247 |
26 % |
11 à 15 |
118 |
2 776 |
2 894 |
6 % |
15 et plus |
2 |
438 |
440 |
1 % |
Total |
17 250 |
33 040 |
50 290 |
100 % |
Source : Ministère de l’Éducation nationale
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