La Directive Communautaire 2001/29/CE du Parlement Européen et du Conseil du 22 mai 2001, relative à l'Harmonisation de certains aspects des droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (ci-après la Directive) a été transposée en droit espagnol par la loi 26-2006, du 7 juillet en apportant de nombreuses nouveautés au texte de la Loi de Propriété Intellectuelle (LPI), approuvé par Décret Royal Législatif 1/1996, du 12 avril.
Si beaucoup de ces modifications étaient nécessaires, elles n'ont pas été toutes pacifiques notamment celles relatives au régime de la rémunération pour copie privée et ce, non seulement du fait de la constante évolution technologique mais surtout des différents intérêts en jeu (titulaires des droits, fabricants et importateurs des supports, utilisateurs et partis politiques).
Le principe de l'exception pour copie privée figure à l'article 31.2 de la LPI dans une nouvelle rédaction: « L'autorisation de l'auteur pour la reproduction de ses œuvres déjà divulguées, sur tout support, n'est pas nécessaire lorsqu'elle est réalisée par une personne physique pour son usage personnel à partir d'œuvres auxquelles elle a eu accès légalement et que la copie obtenue ne fait pas l'objet d'une utilisation collective ni lucrative, de la compensation imitative prévue à l'article 25, qui devra prendre en considération l'application des mesures prévues à l'article 161 (…) ».
Il est intéressant de relever trois nouveautés par rapport l'ancienne rédaction.
La première est celle d'étendre la compensation pour copie privée aux supports numériques mettant ainsi fin à de nombreuses années de litiges entre les sociétés de perception et de répartition des droits et les fabricants et importateurs de supports numériques auxquels ces sociétés réclamaient déjà une rémunération pour les reproductions effectuées, décisions toujours favorables à ces sociétés alors que seuls les supports analogiques étaient visés par la LPI.
Sont expressément exclus de cette limite par la nouvelle loi les connexions ADSL et les disques durs.
Par ailleurs, la loi nouvelle abandonne la notion de « copiste » (comme l'énonce l'article 5.2 b) de la Directive) à laquelle est substituée celle de « personnes physiques qui pour leur usage personnel réalisent des copies ». On ne peut que se réjouir de ce changement qui met fin à l'éternel débat en Espagne sur la question de savoir si les personnes juridiques qui réalisaient des copies pour le compte des tiers étaient oui ou non exclus du cercle des bénéficiaires de cette limitation.
Une autre nouveauté de l'article 31.2 de la LPI est celle de soumettre l'exception pour copie privée à la condition que son bénéficiaire accède légalement aux œuvres ; cette condition n'est pas prévue dans l'article 5º 2 b) de la Directive mais elle a été reprise par l'Allemagne et l'Autriche. Ainsi, toutes les copies obtenues de façon illégale, comme par exemple la reproduction que les utilisateurs réalisent à partir de pages web, ne peuvent pas bénéficier de cette limitation ; cette disposition établit ainsi une différence entre les deux concepts de copie privée et de piraterie.
Enfin, lorsque les titulaires des droits utilisent les mesures techniques de protection le fondement de la copie privée disparaît.
Le régime de la compensation pour copie privée est, quant à lui, énoncé à l'article 25 de la LPI ; compte tenu de la longueur du texte (vingt cinq paragraphes) et de sa complexité technique (la plupart des paragraphes aurait du être développée par voie réglementaire) nous allons nous limiter à traiter les questions les plus importantes de l'article précité.
La première modification a été celle de remplacer le terme de « rémunération » par « compensation » pour copie privée, changement substantiel, qui renforce l'idée du dommage souffert par le titulaire du droit du fait de ce type de reproductions ; et ainsi abandonné le terme de « rémunération » qui fait référence au paiement pour une contreprestation ou acquisition d'un droit.
De plus, les équipes, appareils et support matériels de reproduction numériques assujettis et le montant de la compensation sont déterminés par le Ministère de la Culture et le Ministère de l'Industrie, du Tourisme et du Commerce qui envoie sa proposition au Conseil des Utilisateurs et Consommateurs dans une réunion qui a lieu deux fois par an ; cette proposition fera l'objet d'une révision en janvier 2009.
Par ailleurs, la rémunération est concrètement perçue entre autres par les sociétés de gestion collective SGAE (Sociedad General de Autores y Editores), CEDRO (Centro Español de Derechos Repográfico), AGEDI (Asociación de Gestión de derechos Intelectuales) et EGEDA (Entidad de Gestión de los Productores Audiovisuales).
Enfin, le montant perçu varie selon la nature du support et de l'équipe (analogique ou numérique) ; ainsi à titre d'exemple, les téléphones portables sont gravés de 1,5 euros, les reproducteurs MP3 et MP4 de 3,15 euros les mémoires USB, de 30 centimes etc,…Par ailleurs, le pourcentage qui était habituellement appliqué aux supports tels que CD et DVD a été rabaissé de 20%.
En conclusion, compte tenu de ces modifications, il ne nous reste plus qu'à attendre l'interprétation que vont faire les tribunaux espagnols de ces textes légaux afin de pouvoir déterminer si les modifications exposées sont secondaires (de simple terminologie) ou si, au contraire, elles sont substantielles non seulement sur le point juridique mais aussi économique.
Sonsoles Riba
Avocat aux barreaux de Barcelone et de Paris
Associée de id law partners
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