L'acteur Olivier Martinez, révélé au grand public notamment par l'interprétation d'un jeune colonel de hussards italiens dans le film de Jean-Paul Rappeneau « Le hussard sur le toit », est à l'origine, depuis quelques jours, d'une agitation, bien réelle, qui tient en haleine les adeptes des flux RSS, du web 2.0, du digg-like, bref du web communautaire. Lame de fond ou simple buzz ?
Il convient tout d'abord de dérouler notre petit lexique TIC pour bien appréhender la rhétorique du parfait petit surfeur.
A tout seigneur, tout honneur, le web 2.0 tout d'abord. L'expression, à son apogée depuis maintenant deux ans, désigne, de façon globale, les innovations et avancées technologiques du web et, particulièrement, la plus représentative et participative d'entre elles, à savoir la possibilité pour l'utilisateur d'interagir avec le contenu du site qu'il fréquente. Le site de notation des professeurs par leurs élèves en est une illustration.
On désigne, ensuite, par flux (ou fil) RSS (Really Simple Syndication) un fichier mis à jour en temps réel destiné à reprendre automatiquement les titres, voire le contenu, des articles d'un site d'actualité ou d'un blog, le résultat étant alors affiché sous forme de lien cliquable. L'internaute n'est plus obligé de visiter un à un ses sites favoris : le flux RSS lui offre en un seul clic une compilation de toutes les nouvelles informations publiées sur ces derniers depuis sa dernière connexion.
Le digg-like, enfin, offre la possibilité aux internautes de voter pour un contenu. Alors que le lecteur du flux RSS prend connaissance de SA sélection, celui du digg-like prend lui connaissance de la sélection globale des autres : plus un article plaît, plus il reçoit de votes, plus il est exposé et plus il grimpe dans la hiérarchie du Digg.
S'il nous fallait résumer ces deux dernières technologies, on pourrait donc dire qu'il s'agit de liens hypertextes pointant vers un site originel distinct où est stockée l'information source. Bref, des relais.
Que se passe-t-il lorsqu'une personne, publique (ici Olivier Martinez) ou non, considère, sur le fondement de l'article 9 du code civil, que son droit au respect de la vie privée a été bafoué par une information publiée sur le réseau internet ? Schématiquement, depuis la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), il convient de distinguer selon que l'auteur de l'atteinte est un hébergeur ou un éditeur. Dans le premier cas, la responsabilité ne pourra être mise en jeu puisque, aux termes de l'article 6-I-2 de la LCEN, les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées.
Ce qui ne sera pas, bien entendu, le cas de l'éditeur. Mieux vaut donc, pour la personne lésée, être capable de parfaitement identifier le destinataire de la mise en demeure de supprimer le contenu litigieux voire de l'assignation.
Curieusement cette étape procédurale a été oubliée depuis quelques semaines. Le net bruisse en effet de plusieurs affaires (V. not. à propos de flux RSS, TGI Nanterre, 28 févr. 2008, D. 2008. AJ. 778, obs. Manara), confiées au juge de l'urgence. Celle qui nous occupe n'y déroge pas : depuis le début du mois, Olivier Martinez, donc, a assigné en référé une vingtaine de sites qui s'étaient fait l'écho d'une information selon laquelle l'acteur aurait de nouveau partagé son intimité avec son ex-compagne, la chanteuse australienne Kylie Minogue.
Parmi les cibles du comédien, le digg-like Fuzz.fr, site collaboratif qui reprenait partiellement l'information et pointait vers un site dénommé « celebrites-stars.blogspot.com » où était publié l'article original. Enjeu de l'affaire : la qualification de l'auteur du site fuzz.fr. Simple hébergeur, et donc irresponsable, ou bien éditeur, coupable de plein droit ?
La société responsable du site se prévalait, fort logiquement, un peu trop classiquement peut-être, du statut d'hébergeur au motif qu'elle n'agissait qu'en tant que « pur prestataire technique ». Argument balayé par le juge : le site étant constitué de plusieurs sources d'information dont l'internaute pouvait avoir une connaissance plus complète grâce à un lien hypertexte le renvoyant vers le site à l'origine de l'information, la société opérait dès lors un choix éditorial. Et d'enfoncer le clou : en agençant les rubriques, en titrant en gros caractères l'article attentatoire (ce point n'était pas discuté), en décidant seule des modalités d'organisation et de présentation du site, la société devait être considérée comme responsable et l'acte de publication devait être compris « non pas comme un simple acte matériel mais comme la volonté de mettre le public en contact avec des messages de son choix [et devait] être dès lors considérée comme un éditeur de service de communication au public en ligne ».
Fermez le ban, la bataille sur les contenus litigieux du web 2.0 ne fait que commencer. Un bémol toutefois : bien que la véritable question posée soit, in fine, la question de la responsabilité sur un flux ou un contenu que l'on ne maîtrise pas forcément, particulièrement dans le cas du RSS ou du digg-like, il ne faut pas tirer trop hâtivement et définitivement de conclusions d'une ordonnance qui n'est pas, encore, une décision d'un juge du fond.
Gageons que, d'ici là, le blog Dalloz figurera en bonne place sur les digg-like…
Anthony Astaix
Tous nos remerciements au cabinet Asmar & Assayag
qui nous a aimablement communiqué une copie de l'ordonnance
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