L’enfant né sans vie peut être
déclaré à l’état civil quel que soit son stade de développement.
En l’espèce, il avait été refusé à des parents la déclaration à l’état civil de leur enfant né sans vie au motif qu’il ne présentait pas un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant sans vie. En effet, selon l’officier d’état civil, le seuil de viabilité défini par l’Organisation mondiale de la santé, qui est de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou d’un poids du fœtus de 500 grammes, n’était pas atteint.
Par trois arrêts (Civ. 1re,
6 févr. 2008, no 06-16.498, no 06-16.499 et no 06-16.500,
Dalloz actualité, 8 févr. 2008), la première chambre civile de la Cour de
cassation a considéré que la déclaration d’enfant sans vie (définie à l’art.
79-1, al. 2, c. civ.) ne subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie
ni au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse. Ainsi, tout fœtus né sans
vie à la suite d’un accouchement, avortement ou fausse-couche etc. peut être
inscrit sur les registres de décès de l’état civil, quel que soit son niveau de
développement.
Un bref rappel de la loi s’impose. En effet, l’article 79-1 du code civil distingue de types de déclarations : la déclaration d’un enfant décédé avant sa naissance et celle de l’enfant sans vie selon qu’un certificat médical, indiquant que l’enfant est né vivant et viable, est produit ou non.
Si un certificat médical indiquant
que l’enfant est né vivant et viable est produit, l’officier de l’état civil
établit alors un acte de naissance et un acte de décès, soient deux actes
distincts. Ces actes confèrent la personnalité juridique à l’enfant (capacité de
jouissance de droits et d’exercer des droits), quand bien même cette dernière
fut très brève.
En l’absence de certificat
médical de « viabilité » : l’officier de l’état civil établit uniquement
un acte d’enfant sans vie. L’article 79-1, alinéa 2, du code civil ajoute que « cet
acte est inscrit à sa date sur les registres de décès, il énonce les jour,
heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de
naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du
déclarant. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non
[…] ».
Cet acte n’est pas un acte de
décès supposant préalablement la vie et par conséquent, l’acquisition de la
personnalité juridique. Il s’agit d’une simple mesure de publicité, d’une simple
mention administrative, permettant d’avoir accès à certains droits sociaux et autorisant
les parents à réclamer le corps de l’enfant, afin d’organiser des obsèques, par
exemple.
D’ores et déjà et au vu du texte
analysé, il est évident que tout officier d’état civil est tenu d’établir un
acte d’enfant sans vie quelque soit le seuil de viabilité de l’enfant, quelque
soit son stade de développement. Il est seulement nécessaire que la femme ait « accouché ».
Quid du refus de l’officier d’état civil de
déclarer un enfant sans vie au motif qu’il n’est pas viable ?
Tout simplement, l’officier d’état
civil était tenu d’appliquer la circulaire DHOS/E 4/DGS/DACS/DGCL no 2001-576
du 30 novembre 2001 relative à l’enregistrement à l’état civil et à la prise en
charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance, en
vertu du principe d’autorité hiérarchique du signataire de la circulaire.
Or, très précisément dans son
paragraphe 1.2, cette circulaire indique que l’acte d’enfant sans vie doit être
établi :
– lorsque l’enfant est né
vivant mais non viable ;
– ou lorsque l’enfant est mort-né après un terme de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou ayant un poids de 500 grammes.
En l’espèce, les enfants à déclarer ne correspondant pas aux critères de viabilité retenus par la circulaire, l’officier d’état civil se trouvait dans l’obligation d’appliquer le texte susmentionné et donc de refuser de déclarer les enfants sans vie.
C’est très logiquement que la Cour de cassation a censuré ce refus au motif que la cour d’appel avait ajouté à la loi des conditions qu’elle ne prévoit pas. Il en allait de même de la circulaire susmentionnée qui créait des règles nouvelles alors même que l’autorité signataire n’était nullement compétente pour ajouter des conditions à l’article 79-1 du code civil.
Peut-être conviendra-t-il de préciser le texte de loi afin de lever toute ambiguïté, les précisions de la Cour de cassation n’étant que jurisprudentielles… Mais en tout état de cause, la Cour de cassation n’a fait qu’appliquer la loi avec rigueur sans intervenir sur le statut du fœtus ou de celui de l’enfant sans vie.
Peggy Grivel
Avocat à la Cour
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