Mercredi 1er février 2007, il sera interdit de fumer dans les lieux fermés, couverts et accueillant du public ou constituant des lieux de travail, dans les moyens de transport collectif et dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs. Un délai supplémentaire a été accordé aux débits permanents de boissons à consommer sur place, aux casinos, aux cercles de jeu, aux débits de tabac, aux discothèques, aux hôtels et aux restaurants qui ont jusqu'au 1er janvier 2008 pour appliquer cette interdiction.
Rien de bien nouveau par rapport à notre bonne vieille loi Évin de 1991. Et pour cause, le Gouvernement a choisi la voie du décret jugée plus rapide et efficace que la loi. La loi Évin partiellement inappliquée subsiste bel et bien. Ce choix gouvernemental ne permet donc pas de modifier l'article L. 3511-7 du Code de la santé publique (texte issu de l'article 16 de la loi Évin) qui prévoit expressément des emplacements réservés aux fumeurs. En tout état de cause, aucun décret ne peut interdire totalement de fumer dans les lieux publics. Or, seule une interdiction totale de fumer, dans tous les lieux affectés à un usage collectif, prise par voie législative aurait permis une protection complète tant des non-fumeurs que des fumeurs ; d'élargir les corps de contrôle chargés de faire appliquer la réglementation anti-tabac et d'autoriser la vente de substituts nicotiniques hors des pharmacies.
Alors pourquoi tant de bruit ? Tout simplement parce que dorénavant les emplacements réservés aux fumeurs seront clos, uniquement affectés à la consommation de tabac et dans lesquels aucune prestation de service ne pourra être délivrée. Ces emplacements seront tout simplement des fumoirs. Plus de séparations virtuelles entre air sain et air enfumé : il y aura d'un côté les accros au tabac (de plus de 16 ans) parfaitement reconnaissables puisque enfermés dans un espace clos ou dehors dans un espace non couvert (excepté dans les espaces au sein des établissements d'enseignement publics et privés, des centres de formation des apprentis, des établissements destinés à ou régulièrement utilisés pour l'accueil, la formation, l'hébergement ou la pratique sportive des mineurs et des établissements de santé) et de l'autre côté, les non-fumeurs.
Quid d'une discrimination par le tabac ? Telle n'a pas été la volonté du Gouvernement. En effet, si les non-fumeurs ont le droit à ne plus être exposés contre leur gré à la fumée du tabac en raison des risques avérés pour leur santé, il n'en reste pas moins impossible de protéger le fumeur contre lui-même. Et, le principe de liberté individuelle n'est pas de moindre valeur que celui du droit à la protection de la santé (selon G. Carcassonne, table ronde no 2 du 21 juin 2006, mission d'information sur l'interdiction du tabac dans les lieux publics). " Néanmoins, selon le principe énoncé par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, la liberté des uns (en l'occurrence fumer en toute connaissance de cause) consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (imposer une nuisance mettant sa santé ou sa vie en danger). En matière de respect de la liberté d'autrui, la découverte des effets nocifs du tabagisme passif impose donc de reconsidérer les limites de cette liberté. Elle devrait conduire les fumeurs à accepter que le champ réel de leur liberté soit moins vaste que celui qui jusqu'à présent leur était accordé. " (rapport fait au nom de la mission d'information sur l'interdiction du tabac dans les lieux publics, 4 oct. 2006, p. 56).
L'objectif du Gouvernement est bien de mieux protéger la santé publique et de lutter contre le tabagisme passif. Le droit des fumeurs dans les lieux publics, les lieux de travail, les moyens de transport, etc,. ne saurait donc prévaloir sur le droit à la santé. D'autant plus que l'installation d'emplacements réservés aux fumeurs est très encadrée : salles closes, dotées de fermetures automatiques sans possibilité d'ouverture non intentionnelle ; ne constituant pas un lieu de passage ; présentant une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement avec un maximum de 35 m2 ; sans prestation de service ; où aucune tâche d'entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure ; équipés d'un dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d'air minimal de dix fois le volume de l'emplacement par heure… À ce jour aucun fumoir n'est installé dans les lieux publics, les administrations et les entreprises, et la mise en place de tels emplacements reste une simple faculté relevant de la décision de la personne ou de l'organisme responsable des lieux.
La volonté du Gouvernement semble assurément forte pour préserver les non-fumeurs du tabagisme des fumeurs. Espérons juste, que cette fois-ci, les moyens de contrôle et de sanctions soient efficients.
Peggy Grivel, avocat à la Cour
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