Henri Ader, dans l’avant-propos de la onzième édition de l’ouvrage « Règles de la profession d’avocat » dont il est le coauteur, s’inquiète de l’impact d’une réforme annoncée par le ministre de la justice permettant aux avocats d’exercer leur profession en qualité de salarié d’une entreprise. Voici ce qu’il expose.
Le ministre de la justice, le 4 mai 2006, en réponse à une question du sénateur André Vantomme, qui le questionnait sur un rapport commandé à un groupe de travail institué par le ministre à la fin 2004, à lui remis en janvier 2006, et visant à opérer un rapprochement entre la profession d’avocat et celle de juriste d’entreprise, a notamment déclaré : « Les avocats pourraient à l’avenir choisir d’exercer leur profession en qualité de salarié d’une entreprise tout en conservant leur titre, leur statut et leur déontologie ».
Plus loin :
« Le contrat de travail de l’avocat exerçant en entreprise serait régi par le Code du travail sauf dérogations expresses prévues par la loi ou le règlement, justifiées par le respect de l’indépendance technique (c’est nous qui soulignons) et de la déontologie professionnelle ».
Et encore plus loin :
« … une telle réforme s’accompagnerait de l’intégration de certains juristes d’entreprise à la profession d’avocat… »
Et enfin :
« En définitive, seul un nombre restreint de candidatures pourrait être accepté… ».
Heureusement, le ministre conclut sa réponse au parlementaire ainsi :
« … un tel rapprochement ne se décrète pas mais nécessite l’adhésion des deux professions concernées ».
Une telle évolution, disparition de l’indépendance, atteinte au principe fondamental et démocratique de libre choix de l’avocat par le client, numerus clausus et inégalités entre avocats, secousses probablement mortelles dans l’édifice construit patiemment depuis sept cents ans du secret professionnel.
Le ministre écrit : « C’est ainsi notamment qu’il (l’avocat en entreprise) serait comme ses confrères (les avocats non en entreprise) soumis aux règles du secret professionnel et de la confidentialité des correspondances »).
Est-ce à dire que le juge d’instruction ne pourra plus faire de perquisition dans une entreprise employant un « avocat en entreprise », sauf à respecter les impératifs de l’article 56-1 du Code de procédure pénale ?
Une telle révolution ne serait envisageable que si dans chaque barreau elle était approuvée par la majorité de tous les avocats réunis en assemblée générale ou dans leurs colonnes se prononçant au vote secret, et ensuite ratifiée et approuvée par la Conférence des bâtonniers et le Conseil national des barreaux.
Pour aller plus loin : Henri Ader et André Damien, Règles de la profession d’avocat, Dalloz, Dalloz Action, 11e éd., 2006.
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