blog Dalloz

À droit ouvert, à livre ouvert

Parce que la culture juridique nécessite la transgression des frontières, il nous a paru impératif d’ouvrir une porte éditoriale aux travaux et recherches scrutant les droits d’ailleurs et de créer, ainsi, un espace rédactionnel transnational.

Dirigée par Antoine Lyon-Caen et Horatia Muir Watt, « À droit ouvert » est une collection destinée à accueillir des ouvrages montrant la richesse des expériences juridiques qu’offre le monde contemporain. Regards tournés vers l’extérieur, regards portés ici et là dans leur confrontation et leur rapprochement, ces écrits s’intéressent aussi à la cartographie du droit et des disciplines.

La collection a vu le jour en septembre dernier avec l’ouvrage Normes sociales, droit du travail et mondialisation de Marie-Ange Moreau, professeur à l’Institut universitaire européen à Florence. Notre exploration nous entraînera prochainement en Afrique avec les travaux d’anthropologie dirigés par Rodolfo Sacco, professeur émérite de l’Université de Turin ; puis en Russie, avec une étude approfondie de la notion de « propriété » menée par Aurore Chaigneau, maître de conférences à l’Université Paris X-Nanterre.

En définissant les critères tant de forme que de fond de cette collection, nous avons souhaité offrir aux lecteurs, qu’ils soient ou non juristes, non un manuel universitaire, mais un essai l’invitant à la découverte ou à l’approfondissement de systèmes lointains.

Pour que vive la culture juridique…

Audrey Tabuteau

« Bamako » : le procès rêvé du Sud contre le Nord

Mercredi 18 octobre 2006, sort en salles le film « Bamako » d’Abderrahmane Sissako.

Selon le synopsis, dans la cour de la maison que partagent plusieurs familles à Bamako, un tribunal a été installé. Des représentants de la société civile africaine ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qu’ils jugent responsables de la situation catastrophique de l’Afrique. La vie des habitants de la maison s’entrelacent avec les plaidoiries et témoignages du procès.

L’originalité de la réalisation mêlant les acteurs de la vie judiciaire aux personnages extérieurs au procès fait la force de ce film. La mise en scène du procès des institutions financières, en rendant l’impossible vraisemblable, lui donne une vertu cathartique. Pour l’élaboration des dialogues, Abderrahmane Sissako a fait appel à des magistrats et des avocats professionnels et, pour le tournage, il a souhaité utiliser un dispositif technique quasi documentaire.

Jeanne Daleau

Pourquoi un blog ?

D'abord pour ouvrir un espace de débat sur les questions de droit qui traversent aussi bien la pratique professionnelle des juristes que les questions de société. Dalloz donnera la parole à ses auteurs, qui plus encore que d’autres, ont toute légitimité pour livrer leurs points de vue. Ils s’y exprimeront en totale indépendance sur le ton libre et direct qu’autorise mieux qu’aucun autre ce nouveau média. C'est grâce aux commentaires de l'ensemble des acteurs de la communauté juridique que le débat se prolongera.

Ce blog illustre également la conception que nous nous faisons du rôle de l’éditeur, celui d’un acteur engagé par ses choix dans la communauté juridique. La création d’une collection dédiée au droit comparé, la conception d’une nouvelle revue de doit du travail ou l’édition d’un Code des droits contre l’exclusion procèdent de démarches éditoriales, jusqu’alors muettes, qu’il nous a paru utile de faire connaître. Ce sera la fonction du Billet de l’éditeur.

Le lien entre juristes suppose la connaissance réciproque. La rubrique Juridictions et barreaux a pour ambition de permettre à chacun de mieux connaître l’activité des gens de justice et des organisations dans lesquelles ils l’exercent.

Astreints à la discipline rigoureuse de la consolidation de codes ou de l’écriture d’informations rapides, les rédacteurs de Dalloz n’en ont pas moins leur regard sur le droit. Les rubriques Droit et culture, Mots du droit, Droit d’avant – droits d’ailleurs accueilleront leurs contributions personnelles dans les genres inattendus de la critique littéraire, cinéma ou encore de l’anecdote historique.

Il s’agit enfin d’ouvrir un espace d’écoute et de dialogue avec et entre les utilisateurs de Dalloz.fr. Nous les invitons d’ores et déjà à s’exprimer en toute transparence sur l’usage qu’ils font des bases documentaires que nous avons conçues à leur intention.

Après la mise à disposition, au printemps 2006, d’une large part de ses fonds documentaires, la création de ce blog témoigne de la volonté des éditions Dalloz de jouer pleinement sur Internet le rôle de médiateur d’idées et de pratiques qu’elles assurent au sein de la communauté juridique depuis près de deux siècles.

Renaud Lefebvre
Directeur Général Adjoint des Editions Dalloz

La morale, l’action civile et bientôt la guerre

Les grands arrêts aussi ont leur anniversaire, qu’il convient de commémorer. Les relire, parfois longtemps après, ne nous replonge pas seulement dans l’histoire du droit, de la jurisprudence, mais dans la grande histoire également. C’est alors, avec le recul du temps, cette rencontre entre une problématique juridique datée et son contexte social et politique qui nous frappe. Non qu’il y ait forcément un rapport entre ces événements. Au contraire, le plus souvent il s’agira de coïncidence. Mais le rapprochement n’est pas moins dans bien des cas saisissant.

Ici, le 18 octobre 1913, il y a donc 73 ans, dans une espèce qui fleurait bon la France de 19^e siècle encore, rurale et morale, le Comité bordelais de vigilance pour la protection morale de la jeunesse et la répression de la licence des rues se voyait fermer l’action civile, faute d’intérêt, par la Chambre criminelle, pour délit d’outrage aux bonnes mœurs commis par l'exhibition publique d'objets obscènes. Quelques mois, plus tard, on le sait, au soir du bel été 14, ce monde, qui nous semble maintenant suranné, âpre et doux, allait disparaître à jamais dans les tranchées de Verdun.

Chambre criminelle, 18 octobre 1913   

Attendu que si, aux termes des articles 1, 3 et 63 du code d'instruction criminelle, l'action civile est ouverte au profit de toute personne qui se prétend lésée par un crime, un délit ou une contravention, cette action n'est recevable et ne peut mettre en mouvement l'action publique qu'autant que la partie qui l'intente a été personnellement et directement lésée par l'infraction ; - Attendu que le Comité bordelais de vigilance pour la protection morale de la jeunesse et la répression de la licence des rues, association déclarée conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901, a cité, en qualité de partie civile, Geissler Hermann devant la juridiction correctionnelle, pour le faire condamner à des dommages-intérêts comme prévenu d'avoir commis, par l'exhibition publique d'objets obscènes, le délit d'outrage aux bonnes moeurs prévu et puni par la loi du 2 août 1882 ; - Attendu que la cour d'appel de Bordeaux a déclaré à bon droit l'action du Comité bordelais de vigilance irrecevable faute d'intérêt, aucun préjudice ne pouvant résulter pour lui de l'infraction poursuivie ; qu'en effet, reconnaître dans ces circonstances à l'association dont il s'agit le droit d'exercer une telle action serait lui attribuer un droit qui n'appartient qu'au ministère public ; qu'il suit de ce qui précède que la cour d'appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait une exacte application ; - Rejette.